18ème jour

Samedi 3 novembre 2007                                                                               FRANCE

Météo : ciel complètement dégagé au dessus d’une mer de nuages. La température est de -50°. « Dormez braves gens » annonce Air France à l’attention des passagers de l’A340ter (comme terminus). Fin du voyage. Paris va bientôt s’éveiller. Tu retournes à la réalité. Bon vent !

Ca y est, cette fois te revoilà de retour parmi nous. Air France, malgré des conditions de travail déplorables et des salaires de misère, vous a conduit à bon port. Bienvenue chez nous. Il a fait froid et Sarko est toujours en pleine forme ! Ton quotidien recommence avec sa cohorte de routine, de charges, de retrouvailles bien ou mal venues. Je suis toujours là, 250 km plus loin, à attendre le retour de ta voix au bout du fil.

Tu m’as appris l’humilité en me privant de tes commentaires sur tout ce que j’ai pu t’envoyer. Les dizaines d’heures écrites avec passion, pesant chaque mot afin qu’il te touche. Pour quelques minutes de lecture, avant d’être rangées, empilées avec le reste, au fond d’un carton, enfoui au fond d’une armoire ! Ce document obéira-t-il à la même règle ? Je ne cherche pas les compliments ; simplement un avis, un commentaire, un signe comme quoi, ce temps passé à me lire, même s’il ne change rien à rien, a retenu ton attention, a suscité des réactions de ta part en bien ou en mal. Il peut t’avoir flatté comme t’avoir déplu. Comment saurais-je ?

Je sais ce que tu me diras : que tu n’as pas eu le temps, que je ne me rends pas compte de tout ce qui mine ta vie, l’obsession que tu as de ta mère, de tous tes problèmes. Et pourtant, tu sais bien que si tu veux prendre un peu de temps pour toi, pour vous, tu sais le faire. Il te suffit de le décider : tu as bien consacré trois semaines pour toi en Chine, bientôt dix jours en Alsace, pour ta mère… et pour toi aussi. Ne peux-tu pas consacrer un jour pour moi ?

Je peux me tromper. Dans ce cas, dis le moi. J’ai l’impression que tu ne vis plus que pour vous deux et que rien d’autre n’a d’importance. Et pourtant le monde existe autour de toi. Il y en a même qui t’aiment. Tu n’as pas la possibilité de leur consacrer un peu de temps ? Je te crois sincère quand tu me réponds par la négative. Cela signifie, à mon sens, que tu es sortie de la réalité pour t’enfermer dans ton monde, fermant la porte à tout le reste. N’y aurait-il pas une forme d’égocentrisme inconscient dans tout cela ? Penses y. Tu as encore de belles et nombreuses années devant toi mais le temps passe si vite. Rappelle toi, quand tu mes disais que tu étais dans toute la plénitude de ton âge et que c'était encore temps de mordre dans la vie à pleines dents  et d'avoir une sexualité épanouie.

Prends garde à ne pas t’enfermer définitivement dans ta tour d’ivoire. Ouvre les fenêtres de temps en temps, prend un peu de soleil, un peu de liberté. Ne te replie pas sur toi-même. Tu sais bien qu’un jour, avec cette façon de vivre, tu te retrouveras seule, vraiment seule. Je ne parle pas pour moi (encore que !). Si je ne t'appelais pas, tu t'en apercevrais à peine!

Pour une fois, mise à part son insistance à conserver quelque chose de toi pour des raisons qui échappent à moi comme à lui, je suis absolument d’accord avec Gérard. C’est vrai qu’il serait frustré par un manque de réaction de ta part après la rédaction d’un tel document. Mais surtout, je ne peux que l’approuver quand il craint que tu t’enfermes dans ta bulle indéfiniment, avec ta mère. Peut-être que ce voyage t’aura-t-il permis de te remettre des choses en place dans ta tête, d’être plus raisonnable dans la manière de conduire ta vie. C’est en ami que je te parle parce que, à la différence de Gérard, je ne suis que ton ami. Souviens t’en !
Gégé